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Migrants et 'Europe-forteresse', après la tragédie de Lampedusa
'EUROSUR nouveau': changera-t-il le cimetière-Méditerranée?
Adrienne Popovic, Julia Rohsmann
Brussels (IHECS Alumni) 09/03/2014

Le Système Européen de Surveillance des Frontières, aussi appelé EUROSUR, est entré en vigueur le 2 décembre 2013. EUROSUR fournit un réseau de communication sécurisé entre les Etats membres et FRONTEX et poursuit trois objectifs : lutter contre le crime transfrontière, réduire l’immigration illégale et assurer la protection et le secours des migrants en mer. Mais des doutes sur la compatibilité des deux derniers objectifs s’expriment.

Jusqu’en décembre 2013, les frontières externes de l’Union européenne étaient contrôlées par les patrouilles nationales de chaque Etats membres, avec l’aide de FRONTEX. FRONTEX est une agence indépendante basée à Varsovie qui dirige la coopération des Etats membres aux frontières extérieures de l’Union. En comptant les bureaux européens, plus de 50 agences différentes étaient impliquées dans la prévention de l’immigration illégale. EUROSUR regroupe maintenant ces différentes agences grâce à un système de communication uniformisé dirigé par FRONTEX. Le matériel de contrôle des eaux européennes a également énormément évolué puisqu’il consiste désormais en un matériel de haute technologie, les satellites et drones ayant remplacé les bateaux de patrouilles.

Le nouveau mécanisme EUROSUR est devenu opérationnel deux mois après la tragédie de Lampedusa, lorsqu’en octobre 2013, environ 289 personnes venant principalement d’Erythrée sont mortes noyées dans la mer Méditerranée. Mais la mise en place de ce mécanisme n’est pas une conséquence de la tragédie puisque l’idée a été lancée dès 2008. La Commission a proposé un texte en décembre 2011 et comme le système devait devenir opérationnel en décembre 2013, le Parlement a travaillé dessus en octobre. Les parlementaires européens ont voté le texte avec une importante majorité : 479 votes positifs, 101 votes négatifs et 20 abstentions. L’alliance des verts a voté contre le règlement car les autres partis politiques n’ont pas suivi leurs amendements entendant donner plus d’importance à la dimension secours des migrants en mer.

*Questions autour du nouveau mécanisme

Selon ‘United’, une agence néerlandaise luttant pour le droit des réfugiés, 16.264 migrants sont morts dans les eaux Méditerranéennes entre 1993 et 2012. Pourtant, EUROSUR ne semble pas être une réponse directe au nombre élevé de morts dans les eaux européennes. Ce système de contrôle a été conçu et pensé depuis le début pour renforcer les frontières de l’Europe et pour les rendre encore plus impénétrables. Différentes organisations relatives aux droits de l’homme comme « Human Rights Watch » et « L’Association européenne de défense des droits de l’homme » se sont plaint du fait que le secours des réfugiés n’était pas une priorité et que le système était principalement mis en place pour lutter contre l’immigration illégale et pour dissuader les réfugier. Au sujet du sauvetage en mer, Yves Pascouau, analyste politique au « Centre politique européen », explique que « Les Etats membres ont été très réticent à intégré ces dispositions dans le règlement car ils considèrent que c’est un facteur d’attraction pour les migrants quand ils disent ‘il y a une opération FRONTEX en mer et nous pouvons prendre tout le monde à bord et tout le monde sera sauvé’ ».

Cependant, selon Cecilia Malström, la commissaire européenne aux affaires intérieures, le nouveau programme aidera à sauver des vies car les bateaux en détresse seront plus faciles à détecter. Mais de concept de « détresse » n’est défini nulle part dans le règlement. Cela amène à se demander ce qui est entendu par « détresse ». Est-ce que le fait que le moteur du bateau soit cassé ou que le bateau soit trop petit pour le nombre de migrants dessus sont considérés comme des cas de détresse ? Il semble que le sauvetage en mer constitue une question délicate et que les Etats membres soient toujours récalcitrants à l’idée d’adopter un règlement qui définirait les règles de fond et de procédures à suivre concernant le secours et le débarquement des migrants en danger.

Une autre question se pose, au sujet du principe de « non-refoulement » qui interdit au Etats membres de renvoyer un migrant vers un pays où sa vie pourrait être en danger. En effet, le règlement EUROSUR exprime clairement que dans l’application su système, les Etats membres doivent respecter les droits fondamentaux, en particulier ce principe. Mais les Etats vont-ils le respecter, dès lors que grâce au nouveau matériel technologique dont ils disposent pour protéger les frontières ils peuvent repérer les migrants plus facilement ? La réalité a montré que certains pays n’hésitaient pas à repousser les migrants sans respecter les règles de procédures établies afin de réduire le nombre officiel de demandeurs d’asile. Selon Yves Pascouau : « Nous sommes maintenant dans une situation où sur le papier il est écrit que nous devons respecter les droits de l’homme mais dans la réalité et dans les actions concrètes cela doit maintenant être évalué et dans une certaine mesure surveillé ».


*Des initiatives nationales

Depuis le lancement du mécanisme en décembre 2013, une grande opération italienne appelée «Mare Nostrum» a sauvé 200 migrants le 1er Janvier et 1.100 migrants le 6 Février. «Mare Nostrum» est une opération de sauvetage qui a été lancée en octobre dernier avec la participation du personnel, des unités navales et des avions de la marine italienne, l'armée, les carabiniers, la Garde côtière ainsi que des officiers de police, dans le but de contrôler les flux migratoires . C'est la réponse italienne au naufrage au large de la côte de Lampedusa. Il s'agit d'une initiative nationale, pas officiellement liée à EUROSUR, mais certainement source de données et d'informations, selon Federico Fossi du «Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ». La durée de l’opération n’est pas claire, certains spéculent jusque fin mars, mais cela montre en tout cas que les autorités nationales interviennent également à leur niveau pour sauver des vies. Cela montre également que la responsabilité finale de sauver les migrants repose sur les épaules des Etats membres, car ce sont eux qui doivent intervenir dans la réalité.

*Compatibles, les deux objectifs? 

Nous pouvons clairement observer un véritable déséquilibre politique au niveau européen: d'une part, les frontières de l'UE et l’immigration illégale sont très surveillées, et d'autre part, il n'y a pas de développement de canaux légaux d’immigration. Un grand accent a été mis sur la gestion des frontières, mais le même effort n'a pas été mis dans le développement d’une politique d'immigration légale, ce qui explique pourquoi tant de migrants prennent des chemins irréguliers au risque de leur vie.

Donc, pour éviter que les migrants meurent en mer, l'UE doit aussi penser globalement, en gardant à l'esprit qu'une politique complète concernant l’immigration consiste non seulement en la gestion de l’immigration irrégulière, mais consiste également en la mise en place d’une immigration régulière. Ceci pose la question de la possibilité d'une future politique commune d’immigration dans l'Union. FRONTEX sait qu'il est sous la haute surveillance de la société civile et qu'il doit maintenant faire de son mieux pour sauver les immigrés en détresse. Nous verrons si EUROSUR sera utilisé dans une approche sécuritaire ou sera utilisée pour sauver des vies. Nous sommes faces maintenant à ces deux hypothèses.


Adrienne Popovic
Julia Rohsmann

Bruxelles (IHECS alumni) 09/03/2014


Debating Europe
Executive Master in European Journalism 2014



cc - OJALÁ,Sancho Panza Lab / CAPE SanchoPanza/Perspectives 2013-2014

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